Conte des Mille et Une Nuits de Noël
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Mystères de l'orient |
Il était une fois un pays merveilleux niché quelque part au milieu du désert qui était connu dans tout l'Orient pour la beauté et le parfum exceptionnel de ses roses.
Le sage et riche Sultan de ce petit pays, Aladin Asouleyman, cultivait en effet dans l'enceinte close de son Palais une roseraie d'une beauté inégalées. Le Sultan aurait pu être l'homme le plus heureux de la terre. Mais il désespérait de mourir avant d'avoir vu sa fille bien-aimée mariée avant son seizième anniversaire, assurant ainsi sa succession sur le trône.
On vantait la beauté de la Princesse Vanazihiya - tel était son nom - aux quatre coins du Royaume, bien que, en réalité, nul ne l'ait jamais vue. Son teint, disait-on, avait l'éclat et la douceur des roses à peine écloses du jardin royal.
Mais, au grand désespoir du Sultan Asouleyman, la jeune Princesse souffrait d'un mal aussi inconnu qu'incurable qui la condamnait à vivre recluse derrière les murs du Palais.
Depuis son plus jeune âge, la Princesse Vanazihiya voyait la peau de son visage se couvrir de rougeurs et se déssecher comme celle d'un vieux serpent dès qu'elle était en contact avec le vent, le soleil ou tout simplement l'air extérieur. Tous les plus grands médecins de la Cour avaient été dépêchés au Palais afin de trouver un onguent ou une potion susceptibles de venir à bout du mal de la jeune fille. Las ! rien n'y fit et jour après jour, année après année, la beauté de Vanazihiya croissait à l'abri des éléments extérieurs et des regards, cloîtrée dans les appartements princiers.
Un jour, le Sultan Asouleyman, eut l'idée de mander des messagers par tout le Royaume afin de quérir celui qui pourrait enfin trouver le remède qui délivrerait la Princesse :
"Oyez ! Oyez ! le Sultan donnera sa fille, la vénérable Princesse Vanazihiya, et cent chameaux à l'homme qui trouvera le remède au mal de la Princesse !"
Ainsi, le Palais vit défiler nombre de postulants au mariage, offrant à la Princesse baumes et onguents. Chaque fois, la belle Vanazihiya s'enduisait le visage de ces nouvelles mixtures et au matin, le verdict était toujours le même : inefficace.
L'on vit des vieillards édentés présenter quelque graisse fort odorante dans l'espoir de convoler en juste noces avec la belle et fraîche Princesse. L'on vit encore une mère, traînant son garçonnet encore en couches jusqu'au Palais afin d'obtenir la main de la Princesse.
Un matin, l'on vit arriver une femme vêtue de brocart. A sa mise on pouvait voir qu'il s'agissait d'une étrangère. Elle se présenta au Palais, mais les fidèles serviteurs du Sultan la repoussèrent arguant qu'elle n'était qu'une femme et qu'elle ne pouvait, dès lors, prétendre à la main de la Princesse.
L'étrangère insista pour être malgré tout introduite auprès du Sultan.
"Sultan Asouleyman, je ne demande pas la main de ta fille mais je viens au contraire lui éviter des maux bien plus grands que ceux qu'elle subit aujourd'hui. "
Intrigué, le Sultan l'invita à poursuivre.
"Que crois-tu qui soit mieux pour la Princesse Vanazihiya : passer le restant de ses jours dans la prison du palais d'un père aimant ou dans celle d'un vieillard lubrique ? Si ma crème soigne son visage, tu pourras lui choisir le mari qu'elle mérite et qui la rendra heureuse. En échange, je ne demande qu'une chose. Chaque année, lors de la floraison des roses de ton jardin, je viendrai en cueillir les pétales pour mes onguents et mes parfums."
Le Sultan accepta. Il prit l'onguent aux effluves de rose et d'encens et le porta à sa fille.
Au matin du jour suivant, la belle Vanazihiya parut au balcon du Palais et tous les sujets du Royaume purent enfin admirer son immense beauté.
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Il se trouve que je devais retrouver lors d'une rencontre de fées, sorcières et autres Parisiennes, une Princesse de ma connaissance dotée d'une peau tellement fine et délicate, qu'elle ne supportait aucun émulsifiant. Chaque fois que l'une d'entre nous lui offrait une de ses créations, elle s'écriait :
"Ah ! quel dommage que ma peau ne supporte rien !"
Comme j'aurais été fort marrie qu'elle se trouve dans l'obligation d'épousailler le premier venu juste pour sauver sa peau, je réfléchis aux moyens de la tirer des griffes d'un inutile mari.
Puis l'une de ses remarques récurrentes me revint à l'esprit et me souffla la solution :
"Je reviens toujours à mes bons vieux cérats, il n'y a que ça qui marche".
J'ai donc décidé de revenir aux bonnes vieilles recettes et j'ai ressorti mes vieux grimoires de la bibliothèque.
Mais qu'est-ce qu'un cérat, au juste ?
Le plus connu est le cérat de Galien, du nom d'un célèbre médecin de l'Antiquité et son inventeur, et la formule la plus ancienne que j'ai pu retrouver mentionne qu'il est composé de cire d'abeille, d'huile végétale (amande douce) et d'eau.
Plus tard, on y incorpora du sodium borate, plus communément appelé Borax.
On trouve également une autre formule assez proche appelée cold cream et à visée plus cosmétique alors que le cérat serait à usage thérapeutique.
Une des formules les plus répandues pour la cold cream contient de l'hydrolat de rose, de la cire d'abeille, de l'huile d'amande douce, du blanc de baleine et de l'essence de rose ainsi que, selon les formules, de la teinture de benjoin.
Ayant donc en tête de réaliser un cérat, je cherchais tout d'abord à comprendre le pourquoi de la présence de Borax dans la formule alors même que cet ingrédient est considéré comme potentiellement dangereux.
Sodium borate ; ça ne vous dit rien ? Mais si, voyons... Regardez mieux.
SODIUM borATE
Et là, vous y voyez un peu plus clair ? Mais oui ! mais c'est bien sûr ! le borax est un sel de l'acide borate ou, en d'autres termes, un savon.
En fait la présence du borax dans le cérat avait deux objectifs : tout d'abord, en raison de son pouvoir antiseptique et bactéricide, il assumait une fonction de conservateur dans une formule qui contient 50% de phase aqueuse ; ensuite, son pouvoir émulsionnant assure une meilleure stabilisation de l'émulsion car la cire d'abeille n'est en fait pas véritablement un émulsifiant et s'avère de ce fait relativement instable.
Aussi, c'est sans hésiter que j'ai décidé de remplacer le borax par du savon maison.
Quant au
blanc de baleine, que l'on nommait aussi spermaceti et qui est aujourd'hui, fort heureusement interdit, je lui ai substitué un peu d'acide stéarique conjugué à l'huile-cire de jojoba : ainsi on maintient l'équilibre entre fonction épaississante et lissante sur la peau.
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cire, savon, acide stearique |
Ma formule de base en grammes
-40 Eau déminéralisée
-20 hydrolat de roses (Essenciaga)
-20,5 macérat de roses, camomille, lavande sur olive (maison)
-11,5 HV jojoba (Copaïba)
-8 cire d'abeille blanche (grade pharmaceutique)
-5,5 HV son de riz (AZ)
-4 acide stéarique
-3 beurre de cupuaçu (The Herbarie)
-2 savon (maison)
A froid
-10 gtes CO2 rose musquée (The Herbarie)
-5 gtes HE carotte sauvage (pour son pouvoir hautement régénérant)
-5 gtes HE encens (parce que anti-inflammatoire)
-5 gtes HE rose damas (anti-ride et pour le parfum)
-5 gtes absolue de rose (Bilby)
un soupçon de poudre de riz
un soupçon de macérat d'orcanette pour la couleur
0,5 % de géogard
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une belle consistance |
La méthode de fabrication est extrêmement simple : dans un bol stérilisé et placé au bain marie, faire fondre la cire d'abeille, l'acide stéarique et le savon ; puis introduire le beurre de cupuaçu ; enfin les huiles. Mélanger à la cuillère magique, puis en laissant toujours au BM chaud, verser progressivement le mélange eau-hydrolat sans cesser de remuer énergiquement. Retirer du feu dès que l'émulsion commence à mousser et continuer de mixer à température ambiante jusqu'à formation d'une belle émulsion épaisse et lisse.
A froid, introduire le CO2, les HE et le conservateur. Puis la poudre de riz en petite quantité.
Verser en pots.
Après 24 heures de repos, la texture est devenue très ferme prenant un aspect plus pommadé que onctueux. Un peu comme un beurre mais à l'aspect assez rustique.
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cérat-crème Panacea |
A cette occasion, j'ai découvert les vertus du beurre de cupuaçu - INCI theobroma grandiflorum - que j'utilisais pour la première fois dans cette formule et qui m'a littéralement conquise. Depuis, j'en mets partout ! Si j'en crois mes lectures, ce beurre qui est riche en phytostérols, en acides gras mono et poly insaturés ainsi qu'en stéarique a d'importantes propriétés émollientes, un fort pouvoir lissant et surtout une capacité exceptionnelle à maintenir le taux d'hydratation de l'épiderme, ce qui en ferait un soin anti-rides de tout premier choix. Il a en outre une adorable odeur de praline assez sympathique. Mais c'est bien sûr pour sa capacité anti-déshydratation que je l'ai choisi.
Comme je le fais toujours, et bien que ce cérat fut destiné à une peau très sèche - c'est à dire l'opposé de la mienne - j'ai tenu à tester sur mon propre visage cette crème-cérat (Même pas peur la Lolita !).
C'est d'abord le parfum qui m'a charmée. On ne devine quasiment pas la présence de la carotte et je trouve la synergie rose-encens très féminine avec une petite touche orientale, très 70's.
Ensuite, j'ai été déroutée puis conquise par la texture, un peu cassante, semblant vouloir s'accrocher à la peau. Pas autant toutefois que les émulsions réalisées avec l'émulsifiant P3R, et surtout sans leur côté glu-glu. Le cérat est riche et il nécessite que l'on masse bien la peau pour le faire pénétrer. Mais quelques minutes après, pschtt !, tout est absorbé et la peau est mate, lisse et veloutée, même ma peau mixte qui n'aime que les nuages de crème ultra légère. Et après une nuit, aucune éruption disgracieuse, rien si ce n'est une peau bien hydratée.
Du coup, je me suis lâchée et l'ai testée sur les lèvres, qui avec le froid ont tendance à gercer. Résultat : des lèvres toutes neuves en une nuit. Toujours plus loin, je l'ai mise en contour de l'oeil. Si, si vous avez bien lu ! Et là, traits lissés et un maquillage qui tient parfaitement.
Sur les mains, les pieds. Hmmm ! ça rend la peau toute douce.
Et last, but not least, je l'ai encore essayée en masque avant shampooing : cheveux d'ange garantis !
Vous avez compris maintenant pourquoi je l'ai baptisée Panacea ?
Bon, en même temps elle ne m'était pas destinée et j'attends les retours de ma Princesse à la peau délicate.
Mais il faut que je vous raconte une anecdote digne d'un conte de fées.
J'avais réalisé trois pots de cérat : l'un pour ma Princesse, le second pour moi et un troisième en vue d'un cadeau à d'autres amies-testeuses. Quelques jours après fabrication, voulant offrir donc un échantillon du cérat, j'ai transvasé un peu de crème dans de petits contenants et là, patatra ! l'émulsion s'est brisée. Un peu comme si les molécules avaient éclaté pour laisser échapper l'eau. Je n'ai pas compris, d'autant que celle restée dans les autres pots ne semblait pas avoir été affectée..
Un soir plus tard, alors que je tenais mon propre pot en mains, celui-ci m'échappa et alla s'éclater en mille morceaux répandant tout le précieux onguent sur le carrelage de ma salle de bains.
Il était écrit que ce cérat était un cérat de Princesse, et seule une peau de Princesse se devait de l'utiliser. On ne plaisante pas avec les Contes des Mille et Une Nuits !
Par prudence, je suggère tout de même à celles qui ont reçu ce cérat éclaté de ne le tester que sur les mains.
J'ai refait depuis une deuxième formule de cérat, spéciale peaux mixtes et l'émulsion est intacte, je ne constate aucun déphasage.
Je vous livre donc également la formule peaux mixte
-40 eau
-20 HA roses
-11,5 jojoba
-10 macérat roses, lavande, camomille sur olive
-8 cire d'abeille
-6 macérat de roses sur coco fractionné
-5,5 HV son de riz
-4 acide stéarique
-2 savon
-2 beurre de cupuaçu
-1 beurre de nilotica
Ajouts à froid
-4 HV rose musquée
-10 gts CO2 rose musquée
-5 gtes HE caroote sauvage
-5 gtes encens
-5 gtes HE roses
-4 gtes absolue de rose
sève de bambou
0,5% geogard
Au final, une formule immédiatement absorbée, laissant la peau douce et satinée.
J'ai beaucoup aimé travailler avec la
cire d'abeille, au point que j'ai très envie de lui redonner une place de choix dans mes formulations cosmétiques. J'avais apprécié le petit plus qu'elle apportait dans le
sérum régénérant et il me semble qu'on doit pouvoir en tirer un excellent parti en association avec d'autres émulsifiants doux et légers.
A suivre donc.
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Je vous souhaite à tous et à toutes un très Joyeux Noël et d'excellentes fêtes de fin d'année.
Votre dévouée Lolitarose